L’article 145 Du Code De Procédure Civile : Un Mécanisme Essentiel Pour L’obtention De Preuves Dans Les Litiges Français
29 octobre 2025L’article 145 du Code de procédure civile offre la possibilité aux justiciables de solliciter des mesures d’instruction « in futurum » (i.e. : en vue d’une future procédure au fond) sous réserve que les conditions soient réunies. En l’absence, en France, de phase préliminaire de « Discovery » équivalente au système anglo-saxon, ce mécanisme est communément utilisé pour obtenir des preuves, notamment en cas de suspicion de concurrence déloyale.
L’article 145 du Code de procédure civile permet à tout justiciable, avant tout procès, de saisir un juge pour qu’il ordonne des mesures d’instruction aux fins de préserver des preuves dont pourrait dépendre un litige futur. Il peut s’agir, par exemple, de l’envoi d’un commissaire de justice (accompagné ou non d’un expert informatique) dans les locaux de la société suspectée d’actes illicites afin qu’il prenne copie des preuves matérielles des agissements illicites.
LE CHOIX DE LA PROCÉDURE
Ce mécanisme peut être introduit soit par une action en référé, soit par une requête non contradictoire, c’est-à-dire sans que la personne ou société visée n’en soit informée, lorsqu’un effet de surprise est recherché afin, principalement, de prévenir toute destruction de preuves.
Naturellement, la personne ou la société visée pourra, dans un second temps, obtenir un débat contradictoire pour faire valoir ses arguments afin de solliciter la rétractation de l’ordonnance rendue sur requête.
LES AVANTAGES POUR LE REQUERANT
Les mesures d’instructions obtenues sur requête présentent un intérêt considérable dans la vie des affaires. En effet, elles permettent
- L’accès à tout type de documents (messages, courriers, emails, conversation WhatsApp et autres) dont la sauvegarde s’avère être indispensable à la démonstration d’un comportement préjudiciable dans le cadre d’un futur procès ;
- De prévenir le risque de dissimulation ou de destruction de pièces par la partie adverse ;
- D’apprécier l’opportunité ou non d’introduire une action en justice au fond.
Cependant, ce procédé a une portée plus limitée que celui de la procédure de discovery américaine puisqu’il est strictement encadré et ne doit pas aboutir à une « pêche aux renseignements » à l’aveugle [1] .
LES GARANTIES JURIDIQUES ET CONDITIONS D’OCTROI DES MESURES D’ENQUÊTE
Pour solliciter une mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145 il faut justifier :
- D’une absence de saisine préalable des juridictions au fond sur le même litige
- D’un motif légitime [2]
- Du caractère légalement admissible de la mesure [3]
- Le cas échéant, si la demande est formulée par la voie de la requête, il faut également motiver les raisons justifiant la dérogation au principe du contradictoire (par exemple pour prévenir un risque de destruction des preuves)
On précisera que les pièces obtenues par le commissaire de justice ne seront pas remises immédiatement au requérant si le requis conteste l’ordonnance sur requête [4], notamment en soulevant une difficulté liée au secret des affaires. Les pièces seront alors séquestrées dans l’attente que cette difficulté soit purgée.
Dans cette hypothèse, il pourra s’écouler plusieurs mois, voire années entre l’exécution de la mesure et la mainlevée du séquestre (c’est-à-dire l’obtention effective des pièces saisies).
Ainsi, le mécanisme de l’article 145 ne permet-il pas toujours d’obtenir rapidement des éléments de preuve. Malgré cela, il reste un outil efficace et incontournable pour rassembler les pièces indispensables à un succès de la demande au fond, puisque ces preuves, in fine, ne pourront plus disparaître.
Anaïs Devillers a participé à la rédaction de cet Insight.
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[1] « Fishing expedition » en anglais : terme utilisé pour désigner une recherche maximaliste de preuves sans savoir exactement quels éléments seront obtenus.
[2] La mesure doit être proportionnée par rapport à l’atteinte portée aux libertés fondamentales de l’autre partie (secret des affaires, droit à la vie privée, etc.) et elle doit avoir une utilité pour un futur procès au fond (qui doit sembler crédible).
[3] Elle doit faire partie des mesures listées dans le Code de procédure civile et elle doit être la plus simple et la moins onéreuse possible pour établir la preuve.
[4] Etant précisé que cette procédure peut faire l’objet d’un appel et d’un pourvoi en cassation.